Muawiyah I , calife omeyyade (né en 602)
Mu'awiya ibn Abi Sufyan, souvent désigné comme Mu'awiya I, est une figure pivotale de l'histoire islamique, reconnu comme le fondateur et le premier calife de la dynastie omeyyade. Né entre 597, 603 ou 605, il s'est éteint en avril 680, après avoir régné de 661 jusqu'à sa mort. Son accession au califat a marqué un tournant majeur, survenant moins de trente ans après le décès du Prophète Muhammad et immédiatement après le règne des quatre califes Rashidun, les "Bien Guidés". Contrairement à ces prédécesseurs, qui comptaient parmi les compagnons les plus proches et les plus anciens du Prophète, Mu'awiya était un adepte relativement plus tardif de l'islam, ce qui allait teinter son parcours et la nature de son pouvoir.
Des Premières Résistances à la Conversion et au Service du Prophète
L'histoire de Mu'awiya est profondément entrelacée avec celle des débuts de l'islam. Avant sa conversion, lui et son père, Abu Sufyan, figuraient parmi les principaux opposants au Prophète Muhammad, leur lointain parent de la tribu des Qurayshites. Cette hostilité persistante perdura jusqu'à la prise de La Mecque par Muhammad en l'an 630. Cet événement capital marqua non seulement un jalon dans l'expansion de l'islam, mais aussi un tournant décisif pour Mu'awiya, qui, après avoir embrassé la nouvelle foi, devint l'un des scribes de Muhammad, une position de confiance et de proximité avec le Prophète, attestant de son intégration au sein de la communauté musulmane naissante.
Ascension en Syrie: Stratège et Gouverneur
Son ascension politique fut progressive et stratégique. Sous le règne du calife Abu Bakr (632-634), Mu'awiya fut nommé commandant adjoint lors des campagnes de conquête de la Syrie. Il continua à gravir les échelons militaires et administratifs durant le califat d'Omar (634-644), démontrant une aptitude remarquable à la gouvernance et à la stratégie. Son apogée en Syrie fut atteinte sous le califat de son parent omeyyade, Uthman (644-656), qui le nomma gouverneur de cette province stratégique. À ce poste, Mu'awiya bâtit une base de pouvoir solide. Il forgea des alliances cruciales, notamment avec la puissante tribu des Banu Kalb, et s'employa à renforcer les défenses des villes côtières syriennes face à l'Empire byzantin, ennemi historique et redoutable. C'est également sous son impulsion que furent menées les premières campagnes navales musulmanes, marquant une nouvelle ère dans la confrontation avec Byzance et jetant les bases d'une puissance maritime pour le califat.
La Première Fitna: Le Conflit avec Ali et l'Établissement du Pouvoir
L'assassinat du calife Uthman en 656 plongea le monde musulman dans la première guerre civile, connue sous le nom de Première Fitna, et fut le catalyseur direct de la confrontation entre Mu'awiya et Ali, le successeur d'Uthman. Mu'awiya, en tant que parent et gouverneur loyal d'Uthman, prit fait et cause pour la vengeance du calife assassiné, refusant de reconnaître la légitimité d'Ali tant que les assassins ne seraient pas châtiés. Cette discorde culmina en 657 lors de la bataille de Siffin, un affrontement majeur entre les armées de Mu'awiya et celles d'Ali, qui se solda par une impasse militaire et mena à une série de pourparlers d'arbitrage, une tentative avortée de résolution pacifique du conflit. Malgré l'échec de l'arbitrage, Mu'awiya fut proclamé calife par ses fidèles syriens et par son allié incontournable, Amr ibn al-As, qui, dans un coup de maître stratégique, conquit l'Égypte des mains du gouverneur d'Ali en 658, affaiblissant considérablement la position de ce dernier. L'assassinat d'Ali en 661 ouvrit la voie à Mu'awiya. Il réussit à contraindre Hasan, le fils et successeur d'Ali, à abdiquer en échange d'une rente, ce qui permit à la suzeraineté de Mu'awiya d'être enfin reconnue dans l'ensemble du califat, mettant un terme à la guerre civile et inaugurant la dynastie omeyyade.
Les Piliers du Califat: Innovations Administratives et Expansion
Sur le plan intérieur, Mu'awiya a jeté les bases d'une administration solide et efficace, indispensable à la gestion d'un empire en pleine expansion. Il s'appuya sur les tribus arabes syriennes, dont la loyauté était éprouvée, et, de manière pragmatique, sur la bureaucratie syrienne préexistante, qui était majoritairement composée de chrétiens. Cette collaboration permit de maintenir une certaine continuité administrative et d'exploiter l'expertise locale. On lui attribue la création de départements gouvernementaux cruciaux, tels que le diwan al-barid (département de la route postale), essentiel pour la communication rapide à travers l'empire, le diwan al-rasa'il (département de la correspondance) et le diwan al-khatam (chancellerie), garantissant l'authenticité des documents officiels. Il fut le premier calife dont le nom figura sur des pièces de monnaie, des inscriptions et des documents officiels de l'empire islamique naissant, un acte symbolique fort marquant l'affirmation de son autorité souveraine et la solidification de l'État omeyyade.Sur le plan extérieur, Mu'awiya ne cessa de consolider et d'étendre les frontières du califat. Il engagea ses troupes dans des raids terrestres et maritimes quasi annuels contre l'Empire byzantin, une stratégie visant à maintenir la pression sur l'ennemi tout en assurant le butin et l'entraînement des armées. Ces efforts inclurent un siège, finalement infructueux, de Constantinople, la capitale byzantine. Vers la fin de son règne, la situation militaire tourna en défaveur des Arabes, le poussant à solliciter une trêve. En Irak et dans les provinces orientales, éloignées de Damas, il délégua l'autorité à des gouverneurs puissants et fidèles, comme al-Mughira et Ziyad ibn Abi Sufyan. L'adoption controversée de Ziyad comme son frère de sang, une pratique inhabituelle dans l'islam, visait à légitimer son pouvoir et à s'assurer une loyauté indéfectible dans une région parfois réticente. Sous sa direction, la conquête musulmane de l'Ifriqiya (actuelle Afrique du Nord centrale) fut lancée en 670 par le commandant Uqba ibn Nafi, tandis que les conquêtes reprenaient à l'Est, au Khurasan et au Sijistan, témoignant de la vitalité continue de l'expansion islamique.
La Question de la Succession et un Héritage Complexe
Un des aspects les plus controversés du règne de Mu'awiya fut sa décision, sans précédent dans la politique islamique de l'époque, de désigner son propre fils, Yazid I, comme son successeur. En confinant l'influence de son propre clan omeyyade au poste de gouverneur de Médine, il centralisait davantage le pouvoir, mais cette instauration d'une succession héréditaire marqua un profond changement par rapport au modèle de consultation ou d'élection qui avait caractérisé les califes Rashidun. Cette décision fut vivement contestée par d'éminents dirigeants musulmans, dont Husayn, le fils d'Ali, et Abd Allah ibn al-Zubayr. L'opposition à cette nouvelle forme de gouvernance persista après la mort de Mu'awiya et culmina avec le déclenchement de la deuxième guerre civile musulmane, la Seconde Fitna, qui allait de nouveau déchirer la communauté.L'héritage de Mu'awiya est complexe et sujet à des interprétations diverses. Bien qu'il existe une admiration considérable pour son acumen politique, sa capacité à pacifier un empire déchiré par la guerre civile, et ses innovations administratives dans les sources contemporaines, il fut également la cible de critiques. On lui reprochait de s'être écarté de la justice et de la piété des Rashidun et d'avoir transformé la fonction califale en une royauté séculière, brisant ainsi l'idéal égalitaire des débuts de l'islam. Pour la tradition musulmane sunnite, Mu'awiya est honoré en tant que Compagnon du Prophète Muhammad et scribe de la révélation coranique, une figure respectable ayant contribué à l'établissement de l'État islamique. En revanche, dans l'islam chiite, il est profondément vilipendé pour s'être opposé à Ali, considéré comme le successeur légitime du Prophète. Il est même accusé d'avoir empoisonné Hasan, le fils d'Ali, et d'avoir embrassé l'islam sans conviction profonde, par opportunisme politique, après la prise de La Mecque. Ces divergences soulignent l'impact durable de son règne sur la division confessionnelle au sein de l'islam.
Foire Aux Questions (FAQ)
- Qui était Mu'awiya I ?
- Mu'awiya I (vers 597-680) fut le fondateur et le premier calife du califat omeyyade, régnant de 661 à 680. Il succéda aux califes Rashidun et fut une figure clé dans la transition vers une dynastie héréditaire dans l'islam.
- Quelle était sa relation avec le Prophète Muhammad ?
- Mu'awiya et son père, Abu Sufyan, étaient initialement des opposants au Prophète Muhammad jusqu'à la prise de La Mecque en 630. Après sa conversion, Mu'awiya devint l'un des scribes de Muhammad.
- Comment est-il devenu calife ?
- Après l'assassinat du calife Uthman en 656, Mu'awiya refusa de reconnaître Ali, le successeur d'Uthman, et s'engagea dans la Première Fitna (guerre civile). Après la bataille de Siffin et l'assassinat d'Ali en 661, il contraignit le fils d'Ali, Hasan, à abdiquer, consolidant ainsi son pouvoir sur l'ensemble du califat.
- Quelles ont été ses principales réalisations et innovations ?
- Mu'awiya a renforcé la Syrie en tant que base du califat, développé les défenses côtières et mené les premières campagnes navales musulmanes. Sur le plan administratif, il a créé des départements gouvernementaux (poste, correspondance, chancellerie) et fut le premier calife dont le nom figura sur des pièces de monnaie et des documents officiels. Il a également relancé les conquêtes musulmanes en Afrique du Nord et à l'Est.
- Qu'est-ce qui a été le plus controversé dans son règne ?
- La décision la plus controversée de Mu'awiya fut la désignation de son propre fils, Yazid I, comme son successeur. Cette instauration d'une succession héréditaire, sans précédent dans l'islam, fut perçue comme un détournement du modèle consultatif des califes Rashidun et fut à l'origine de la Seconde Fitna.
- Comment Mu'awiya est-il perçu dans l'islam aujourd'hui ?
- Dans l'islam sunnite, Mu'awiya est honoré en tant que Compagnon du Prophète et scribe coranique. En revanche, dans l'islam chiite, il est vivement critiqué pour son opposition à Ali, son rôle dans les conflits civils, et est souvent perçu comme un dirigeant ayant des motivations politiques plutôt que religieuses, et même accusé d'avoir empoisonné Hasan.