Guerre de Sept Ans : Après un siège de quatre mois, les Russes sous Pyotr Rumyantsev prennent la forteresse prussienne de Kołobrzeg.

La guerre de Sept Ans (1756-1763) fut un conflit véritablement mondial, une lutte acharnée pour la prééminence planétaire qui opposa les grandes puissances du XVIIIe siècle. Loin d'être une simple affaire européenne, elle constitua une vaste partie d'échecs géopolitique redessinant la carte des empires sur plusieurs continents, des forêts d'Amérique du Nord aux côtes de l'Inde, en passant, bien sûr, par le cœur de l'Europe. Souvent considérée par les historiens comme la « première véritable guerre mondiale », elle mit aux prises deux coalitions principales, modifiant durablement l'équilibre des forces pour les décennies à venir.

Sur le continent européen, les racines du conflit plongèrent profondément dans les tensions non résolues laissées par la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748). L'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche nourrissait un désir ardent de récupérer la Silésie, une province riche et stratégiquement vitale, que Frédéric le Grand de Prusse lui avait arrachée lors du conflit précédent. La Prusse, sous Frédéric II, aspirait non seulement à conserver la Silésie mais aussi à consolider son nouveau statut de grande puissance européenne, défiant la dominance traditionnelle de la monarchie des Habsbourg. Cette soif d'expansion territoriale et de prestige alimenta une course aux armements croissante et une féroce rivalité entre Berlin et Vienne.

Au-delà des champs de bataille européens, des rivalités coloniales acharnées couvaient depuis des décennies entre la Grande-Bretagne et la France, impliquant souvent l'Espagne. Ces luttes portaient sur le contrôle de routes commerciales lucratives, l'accès à des ressources précieuses et la possession de territoires stratégiques en Amérique du Nord, dans les Caraïbes et en Inde. Les immenses richesses générées par les empires coloniaux – des plantations de sucre des Antilles au commerce des fourrures au Canada – firent de ces lointaines contrées un enjeu central pour les intérêts économiques et stratégiques des puissances concurrentes. Ce qui commença par des escarmouches sur la frontière américaine, connu aux États-Unis sous le nom de guerre française et indienne (1754-1763), dégénéra rapidement en une confrontation mondiale à grande échelle, illustrant l'interconnexion de la politique mondiale au XVIIIe siècle.

L'un des aspects peut-être les plus étonnants de cette guerre fut la « Révolution diplomatique » de 1756. Pendant des siècles, la France et les Habsbourg (Autriche) avaient été des ennemis jurés, tandis que la Grande-Bretagne et l'Autriche étaient souvent alliées. Cependant, la poursuite implacable de la Silésie par Marie-Thérèse et sa méfiance croissante à l'égard du soutien britannique, combinées aux désirs français de freiner l'expansion coloniale britannique, conduisirent à un réalignement sans précédent. L'Autriche, sous la diplomatie habile du prince Kaunitz, mit de côté des siècles d'animosité pour forger une alliance avec la France. Ce formidable bloc continental fut encore renforcé par l'adhésion de la Saxe, de la Suède et de la Russie. Simultanément, la Grande-Bretagne, cherchant à protéger ses possessions hanovriennes (alors en union personnelle avec la couronne britannique) et à contrebalancer la nouvelle alliance continentale, s'allia avec son ancien adversaire, la Prusse. L'Espagne, une autre monarchie bourbonienne, rejoignit officiellement la coalition franco-autrichienne en 1762 par le biais du Troisième Pacte de Famille, ajoutant une autre puissante force navale à la mêlée, bien que son entrée s'avérât semée d'embûches. Les petits États allemands furent également entraînés dans la bataille, rejoignant l'une des principales coalitions ou fournissant des mercenaires cruciaux aux belligérants.

Théâtres mondiaux et campagnes majeures

En Amérique du Nord : la guerre française et indienne

Le conflit anglo-français en Amérique du Nord, qui avait commencé dès 1754, est souvent désigné aux États-Unis sous le nom de guerre française et indienne. Ce fut une lutte prolongée de neuf ans, qui vit la France perdre la quasi-totalité de ses territoires continentaux au profit de la Grande-Bretagne. Pour les colonies britanniques d'Amérique du Nord, il s'agissait d'un événement capital, « le plus important du XVIIIe siècle » avant la Révolution américaine, car il redessinait la carte continentale et éliminait la principale menace étrangère de leurs frontières, mais il semait aussi les graines de futures dissensions avec la mère patrie.

L'intervention espagnole

L'entrée de l'Espagne dans la guerre en 1761, aux côtés de la France, fut dictée par les liens dynastiques des Bourbons et le désir d'endiguer la puissance britannique grandissante. Cependant, cette alliance s'avéra désastreuse pour l'Espagne. La Grande-Bretagne, grâce à sa suprématie navale, parvint à s'emparer de deux joyaux coloniaux espagnols : La Havane à Cuba, un port stratégique dans les Caraïbes, et Manille aux Philippines, une plaque tournante commerciale essentielle en Asie. Ces pertes majeures furent ensuite rétrocédées à l'Espagne lors du traité de Paris de 1763, mais elles soulignèrent la vulnérabilité de l'empire espagnol face à la puissance maritime britannique.

Parallèlement, l'Espagne tenta, sans succès, d'envahir le Portugal, un allié fidèle de la Grande-Bretagne sur la péninsule ibérique. Les forces espagnoles furent confrontées à une résistance acharnée, souvent épaulées par des troupes britanniques, et ne purent briser cette alliance historique.

Le théâtre européen : la lutte pour la Silésie

En Europe, le conflit à grande échelle qui impliqua la plupart des puissances continentales resta centré sur la détermination de l'Autriche à récupérer la Silésie de la Prusse. C'était une guerre brutale et coûteuse, marquée par des batailles sanglantes comme celles de Rossbach et de Leuthen, où les tactiques militaires innovantes de Frédéric le Grand mirent souvent à mal des forces supérieures en nombre. Bien que la Prusse ait été à plusieurs reprises au bord de l'effondrement, notamment après l'occupation de Berlin par les Russes et les Autrichiens, la « merveille de la Maison de Brandebourg » (la mort de l'impératrice Élisabeth de Russie et l'avènement de Pierre III, favorable à la Prusse) lui permit de se maintenir.

Le siège de Kolberg : un épisode symbolique

La ville prussienne de Kolberg (aujourd'hui Kołobrzeg en Pologne), située en Poméranie, fut le théâtre d'une série d'épisodes particulièrement éprouvants. Elle fut assiégée à trois reprises par les forces russes, un témoignage de l'intensité des combats et de l'importance stratégique de ce port baltique. Les deux premiers sièges, fin 1758 puis d'août à septembre 1760, échouèrent face à une défense prussienne acharnée. Un troisième et dernier siège, de plus longue haleine (d'août à décembre 1761), fut finalement couronné de succès pour les Russes, appuyés par des auxiliaires suédois. La chute de Kolberg priva la Prusse de son dernier grand port sur la côte baltique et offrit aux Russes des quartiers d'hiver bienvenus en Poméranie. Cependant, le destin de Kolberg fut bouleversé par la mort inattendue de l'impératrice Élisabeth de Russie quelques semaines seulement après cette victoire. Son successeur, Pierre III, un grand admirateur de Frédéric le Grand, fit rapidement la paix avec la Prusse et restitua Kolberg, illustrant l'impact majeur des changements de leadership sur le cours de la guerre.

Issues et traités

La guerre de Sept Ans fut formellement conclue par deux traités majeurs signés en 1763 :

Conséquences et héritage

La guerre de Sept Ans eut des répercussions profondes et durables, marquant un tournant décisif dans l'histoire mondiale :

Foire aux questions (FAQ) sur la guerre de Sept Ans

Q: Quelle fut la principale cause de la guerre de Sept Ans ?
R: La guerre de Sept Ans eut des causes multiples et interdépendantes. En Europe, la cause principale fut le désir de l'Autriche de récupérer la Silésie, perdue au profit de la Prusse lors de la guerre de Succession d'Autriche. À l'échelle mondiale, des rivalités coloniales intenses pour le commerce et le territoire entre la Grande-Bretagne et la France (et plus tard l'Espagne) furent également des facteurs déterminants.
Q: Qui étaient les principaux belligérants ?
R: Les principaux belligérants étaient divisés en deux coalitions. D'un côté, la Grande-Bretagne et la Prusse (avec le Hanovre et divers petits États allemands). De l'autre, la France, l'Autriche, la Russie, la Suède, la Saxe et, plus tard, l'Espagne.
Q: Pourquoi est-elle parfois appelée la « première guerre mondiale » ?
R: Elle est souvent qualifiée ainsi en raison de son envergure géographique sans précédent. Le conflit ne s'est pas limité à l'Europe, mais s'est étendu à l'Amérique du Nord, aux Caraïbes, à l'Afrique et à l'Inde, impliquant des puissances majeures sur plusieurs continents et des combats sur terre comme sur mer à une échelle globale.
Q: Qu'est-ce que la « Révolution diplomatique » de 1756 ?
R: La Révolution diplomatique fut un réalignement majeur des alliances traditionnelles. L'Autriche, traditionnellement alliée à la Grande-Bretagne et ennemie de la France, s'allia à cette dernière. Simultanément, la Grande-Bretagne s'allia à la Prusse, son ancienne rivale, brisant ainsi les modèles d'alliances établis depuis des siècles.
Q: Quels furent les principaux résultats et traités de la guerre ?
R: La guerre se conclut par deux traités principaux en 1763 : le Traité de Paris et le Traité d'Hubertusbourg. La Grande-Bretagne en sortit comme la puissance coloniale et navale dominante, la France perdant une grande partie de son empire colonial. La Prusse conserva la Silésie, confirmant son statut de grande puissance européenne. L'équilibre des pouvoirs en Europe et dans le monde fut profondément modifié.
Q: Quel a été l'impact de la guerre sur l'Amérique du Nord ?
R: En Amérique du Nord, la guerre (connue sous le nom de guerre française et indienne) a entraîné l'expulsion de la France en tant que puissance continentale majeure, la Grande-Bretagne acquérant d'immenses territoires. Cela a éliminé une menace majeure pour les colonies britanniques, mais les tentatives du gouvernement britannique de leur faire supporter les coûts de la guerre ont exacerbé les tensions, contribuant directement aux causes de la Révolution américaine.