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Bataille de Rostov (1941) : première contre-offensive soviétique

La bataille de Rostov (1941) est un affrontement majeur du front de l’Est au cours duquel l’Armée rouge parvient, pour la première fois, à reprendre une grande ville capturée par la Wehrmacht. Après une progression rapide jusqu’à la mer d’Azov et la prise de Marioupol, les forces allemandes s’emparent de Rostov le 21 novembre, avant d’être repoussées par une contre-offensive soviétique le 28 novembre. L’épisode valide la résilience soviétique et brise l’illusion d’une avancée allemande irrésistible vers le Caucase.

Contexte et importance stratégique de Rostov

Rostov-sur-le-Don, souvent qualifiée de « porte du Caucase », constitue un nœud vital de communications ferroviaires et routières à l’embouchure du Don. Contrôler la ville, c’est contrôler l’accès vers les champs pétrolifères du Caucase (Maïkop, Grozny, puis Bakou plus à l’est) et menacer la profondeur stratégique soviétique au sud. Côté allemand, l’objectif est clair en 1941 : briser la résistance soviétique, sécuriser les flancs sud et ouvrir, à terme, la route du pétrole. Côté soviétique, Rostov est le verrou qui doit ralentir puis arrêter l’ennemi au seuil des ressources vitales du pays.

De la mer d’Azov à Rostov : les préliminaires

À partir du 12 septembre 1941, l’Armée du groupe Sud allemande (Gerd von Rundstedt) lance l’« Offensive de la mer d’Azov ». Cette manœuvre vise à balayer les forces soviétiques le long du littoral et à atteindre la mer d’Azov, tout en pivotant ensuite vers l’est en direction de Rostov. Début octobre, la prise de Marioupol (alors Zhdanov) marque l’arrivée de la Wehrmacht sur la côte : l’ennemi dispose désormais d’un axe logistique côtier et d’une base pour poursuivre sa poussée vers Taganrog puis Rostov.

  • Melitopol et Berdiansk tombent sous pression, désorganisant les armées soviétiques du Sud.
  • Marioupol est capturée début octobre, permettant aux unités motorisées allemandes de longer la côte de la mer d’Azov.
  • Taganrog suit, rapprochant l’ennemi des lignes défensives soviétiques sur le Mius et aux abords du Don.

Ces gains initiaux imposent aux Soviétiques un repli sur des lignes successives, tout en organisant une défense urbaine et de campagne autour de Rostov. Le terrain de steppe, relativement ouvert, favorise les mouvements blindés, mais la saison des pluies (raspoutitsa) et l’allongement des lignes de ravitaillement posent vite des difficultés aux Allemands.

Forces en présence et théâtre d’opérations

Côté allemand, l’effort principal relève du groupe d’armées Sud de Rundstedt, avec une composante motorisée et blindée clé, notamment des corps motorisés opérant sous l’ombrelle de l’ancienne Panzergruppe 1 (Heeresgruppe A en 1942), et le IIIe corps motorisé en pointe. But : franchir le Mius, forcer le Don et s’emparer durablement de Rostov. Le plan mise sur la mobilité et l’exploitation des brèches.

Côté soviétique, le Front du Sud du général Yakov T. Cherevitchenko coordonne plusieurs armées, dont des unités chargées de la défense de Rostov proprement dite. Si l’Armée rouge a souffert de désorganisations en 1941, elle apprend à durcir ses lignes, à utiliser la profondeur stratégique et à reconstituer des formations. La création et l’engagement de la 37e Armée à la fin du mois de novembre seront décisifs.

Le terrain alterne steppe ouverte, rivières-limites (Mius, Don) et infrastructures urbaines. La météo, avec boue automnale puis gel précoce, pèse lourd : la traction motorisée est ralentie, les ponts deviennent des objectifs vitaux, la logistique souffre.

Les trois phases de la bataille de Rostov (1941)

1) Offensive allemande de la mer d’Azov (12 septembre – fin octobre 1941)

Cette phase inaugure la séquence. Les forces allemandes balaient les positions soviétiques le long de la côte, détruisant des poches de résistance et capturant des points d’appui comme Marioupol. La pression opérative combinant vitesse mécanisée et infiltration le long du littoral oblige les Soviétiques à reculer vers l’intérieur. L’avancée, toutefois, commence à consommer du potentiel : pertes en véhicules, usure des unités, allongement des lignes de ravitaillement depuis le Dniepr et l’Ukraine occupée.

Au fur et à mesure, l’objectif bascule de la simple sécurisation côtière à l’attaque contre Rostov. Les Allemands massent des forces vers le Mius, préparant franchissements et attaques sur la rive est. Les Soviétiques fortifient les abords, minent des itinéraires, et réservent des unités pour des contre-coups limités.

2) Opération défensive de Rostov (5 – 16 novembre 1941)

Du 5 au 16 novembre, la défense de Rostov tient bon face aux premières tentatives de rupture. Les combats sont intenses sur des positions avancées, notamment sur les axes menant aux ponts du Don. Le 17 novembre, les Allemands forcent finalement le franchissement de la Mius et débordent des positions soviétiques fatiguées par des semaines de combats et de replis. Des encerclements tactiques entraînent la capture d’environ 10 000 soldats soviétiques.

Le 21 novembre 1941, après des combats de rue et des percées rapides, la Wehrmacht entre à Rostov-sur-le-Don. Le succès paraît complet : la « porte du Caucase » semble entrouverte. Pourtant, cette conquête arrive à l’issue d’une manœuvre déjà tendue : les flancs allemands sont étirés, la logistique peine à suivre, la météo empire, et des forces soviétiques restent intactes au nord et au nord-est de la ville.

3) Contre-offensive de Rostov (27 novembre – 2 décembre 1941)

La riposte soviétique est rapide et coordonnée. À partir du 27 novembre, le Front du Sud, renforcé par la 37e Armée nouvellement constituée, lance une contre-offensive depuis le nord et le nord-est de Rostov. Ce mouvement menace d’envelopper le IIIe corps motorisé allemand, fer de lance de la prise de la ville. La perspective d’un encerclement pousse le maréchal Rundstedt à ordonner un repli sur la ligne du Mius afin d’éviter un désastre.

Furieux de l’abandon de Rostov, Hitler démet Rundstedt de ses fonctions. Son successeur, Walther von Reichenau, confirme toutefois l’ordre de repli, soutenu par l’état-major de l’armée (Franz Halder). Le 28 novembre, l’Armée rouge reprend Rostov dans ce qui devient la première grande contre-offensive victorieuse soviétique de la guerre. Les lignes se stabilisent ensuite sur le Mius début décembre, marquant la fin de l’opération.

Pourquoi l’avance allemande s’essouffle-t-elle ?

  • Allongement logistique : carburant, munitions et pièces de rechange manquent au bout de lignes de ravitaillement extensibles, vulnérables aux sabotages et à la météo.
  • Météo défavorable : la boue automnale, puis le gel, freinent les véhicules et compliquent les franchissements de rivières.
  • Flancs exposés : la tête de pont allemande à Rostov n’est pas suffisamment couverte au nord, facilitant la manœuvre soviétique d’encerclement.
  • Attrition : pertes en blindés et en infanterie au fil des combats de la mer d’Azov jusqu’à Rostov.
  • Résilience soviétique : capacité à reconstituer des armées (dont la 37e) et à coordonner une contre-offensive multisectorielle.
  • Tensions de commandement : l’ingérence politique d’Hitler complique les décisions opérationnelles, alors que la réalité tactique impose un repli.

Conséquences et portée historique

La reconquête de Rostov par l’Armée rouge fin novembre 1941 a des effets symboliques et opérationnels. Elle fournit un signal clair au moment où, plus au nord, l’offensive allemande contre Moscou ralentit : la Wehrmacht peut être stoppée et repoussée. Pour les Soviétiques, c’est un gain moral et un succès tactico-opératif qui confirme l’efficacité d’armées reconstituées, instruisant des leçons sur la défense de villes et l’emploi de contre-attaques sur les flancs.

Sur le plan stratégique, l’échec allemand à conserver Rostov retarde durablement l’accès au Caucase. La région deviendra de nouveau l’objet d’une offensive de grande ampleur en 1942 (plan Bleu), mais celle-ci ne surviendra qu’après une nouvelle préparation et des redéploiements. À court terme, la stabilisation sur la ligne du Mius permet aux Soviétiques de gagner du temps, de réorganiser leurs forces du Sud et de consolider leurs arrières.

Chronologie rapide

  • 12 septembre 1941 : début de l’Offensive allemande de la mer d’Azov.
  • Début octobre 1941 : prise de Marioupol, les Allemands atteignent la mer d’Azov.
  • Octobre 1941 : progression vers Taganrog, pressions croissantes sur Rostov.
  • 5–16 novembre 1941 : opération défensive de Rostov (Front du Sud).
  • 17 novembre 1941 : franchissement allemand de la Mius, capture d’environ 10 000 prisonniers soviétiques.
  • 21 novembre 1941 : la Wehrmacht occupe Rostov.
  • 27 novembre – 2 décembre 1941 : contre-offensive soviétique, menace d’encerclement du IIIe corps motorisé.
  • 28 novembre 1941 : l’Armée rouge reprend Rostov ; repli allemand sur la Mius confirmé par Reichenau.

Points clés à retenir

  • La Bataille de Rostov (1941) marque la première reprise d’une grande ville par l’Armée rouge depuis le début de l’invasion allemande.
  • La prise de Marioupol durant les préliminaires ouvre la côte de la mer d’Azov aux Allemands, mais ne suffit pas à sécuriser leurs flancs.
  • Le franchissement de la Mius et la capture de milliers de prisonniers précèdent la prise temporaire de Rostov.
  • La 37e Armée soviétique et les forces du Front du Sud mènent une contre-offensive réussie qui force le repli allemand.
  • La décision de retrait provoque le limogeage de Rundstedt, mais elle sauve des unités allemandes d’une encerclement probable.
  • La bataille influence les plans allemands ultérieurs sur le Caucase et contribue à enrayer l’élan de 1941.

FAQ

Pourquoi Rostov était-elle stratégique en 1941 ?

Rostov-sur-le-Don commande l’accès au Caucase et à ses ressources pétrolières. Carrefours ferroviaires et routiers majeurs y convergent, en faisant un pivot logistique pour toute offensive vers Maïkop, Grozny et au-delà.

Quel rôle a joué la prise de Marioupol ?

La capture de Marioupol a permis aux forces allemandes d’atteindre la mer d’Azov et d’appuyer leur progression sur un axe côtier. C’était un succès opératif facilitant la marche vers Taganrog et Rostov, mais insuffisant pour neutraliser les menaces sur leurs flancs.

Quand Rostov a-t-elle été prise puis reprise ?

Les Allemands entrent à Rostov le 21 novembre 1941 après avoir franchi la Mius et fait des milliers de prisonniers. L’Armée rouge lance une contre-offensive le 27 novembre et reprend la ville le 28 novembre, stabilisant ensuite le front sur la Mius.

Quels commandants étaient impliqués ?

Côté allemand, l’opération relève du groupe d’armées Sud du maréchal Gerd von Rundstedt, avec des unités motorisées dont le IIIe corps motorisé. Côté soviétique, le Front du Sud est commandé par le général Yakov T. Cherevitchenko, renforcé par la 37e Armée lors de la contre-offensive.

Pourquoi l’avancée allemande a-t-elle échoué à Rostov ?

La combinaison d’un allongement logistique, de la météo, de flancs insuffisamment sécurisés, de l’attrition et d’une contre-offensive soviétique bien conduite a brisé l’élan allemand et rendu nécessaire un repli sur la Mius.

Quelle est la portée de cette bataille pour la suite de la guerre ?

La bataille de Rostov (1941) est la première grande contre-offensive victorieuse soviétique. Elle renforce le moral, montre que la Wehrmacht peut être repoussée et retarde les ambitions allemandes vers le Caucase, préludant aux affrontements de 1942.

Combien de prisonniers soviétiques furent capturés avant la prise de Rostov ?

Environ 10 000 soldats soviétiques sont capturés au moment du franchissement allemand de la Mius et des combats qui précèdent l’entrée dans Rostov, illustrant l’intensité des encerclements tactiques menés par les unités motorisées.