
Le cricket féminin possède une histoire riche, faite de pionnières, de records et d’une professionnalisation rapide. Des premières rencontres villageoises en Angleterre au XVIIIe siècle aux stades pleins lors des Coupes du monde, l’« histoire du cricket féminin » reflète à la fois l’évolution du sport et celle de la société. Aujourd’hui, entre Tests, ODI et T20, les compétitions féminines attirent des audiences massives et des investissements sans précédent.
Aux origines : 1745, près de Guildford
La première mention fiable d’un match de cricket féminin apparaît dans The Reading Mercury du 26 juillet 1745. Le journal relate une rencontre sur la lande de Gosden, près de Guildford, entre les villages de Bramley et Hambledon (Surrey). On y lit :
"The greatest cricket match that was played in this part of England was on Friday, the 26th of last month, on Gosden Common, near Guildford, between eleven maids of Bramley and eleven maids of Hambledon, all dressed in white... The girls bowled, batted, ran and catches as well as most men could do in that game."
Autrement dit, dès 1745, les « maids » jouaient, lançaient et attrapaient « aussi bien que la plupart des hommes », sous le regard d’une foule nombreuse. Cette scène dit tout : le cricket féminin n’est pas une invention récente, mais un héritage ancien, ancré dans les villages anglais et leurs traditions sportives.
Du loisir local à l’organisation (XIXe siècle – 1920s)
Au XIXe siècle, des matchs féminins épars se déroulent en Angleterre et dans l’Empire britannique. Ces rencontres, souvent organisées pour des fêtes locales ou des levées de fonds, témoignent d’un intérêt réel, même si elles restent moins documentées que celles des hommes. Les vêtements longs et les conventions sociales limitent la pratique, mais l’engouement persiste.
Le véritable tournant organisationnel survient au XXe siècle, quand l’idée d’une structure dédiée gagne du terrain. La nécessité d’un calendrier, d’arbitres formés et de règles harmonisées à l’échelle nationale s’impose progressivement.
Structuration et premiers Tests (1926–1958)
En 1926, naît en Angleterre la Women’s Cricket Association (WCA), qui offre au cricket féminin un cadre, des compétitions et une vitrine. Les années 1930 couronnent cet élan : en 1934–1935, l’Angleterre effectue une tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande. Le premier Test féminin reconnu se tient à Brisbane en 1934, marquant l’entrée officielle des femmes dans le cricket international longue durée.
Après la Seconde Guerre mondiale, la pratique s’étend et, en 1958, est fondé l’International Women’s Cricket Council (IWCC), instance mondiale chargée de coordonner les relations internationales, les règles et la promotion du jeu.
Mondialisation et compétitions phares (1973–2005)
En 1973, l’Angleterre accueille la première Coupe du monde féminine de cricket, deux ans avant l’édition masculine de 1975. Emmenée par la pionnière Rachael Heyhoe Flint, l’Angleterre remporte ce tournoi historique, qui institue le One-Day International (ODI) féminin comme rendez-vous majeur du calendrier.
Les décennies suivantes voient l’entrée sur la scène mondiale de nouvelles équipes (Inde, Nouvelle-Zélande, Antilles, etc.) et la tenue de Coupes du monde régulières. Dans les années 1990, la médiatisation progresse : la finale de 1997, en Inde, attire une foule massive et démontre le potentiel d’audience du cricket féminin.
En 2005, grande étape institutionnelle : l’IWCC fusionne avec l’International Cricket Council (ICC), intégrant pleinement le cricket féminin dans la gouvernance mondiale du sport. Cette décision accélère la standardisation des compétitions et la visibilité médiatique.
Ère moderne : T20, ligues et professionnalisation (2004–aujourd’hui)
La révolution T20 change la donne. Le premier T20 international féminin a lieu en 2004, et l’ICC lance en 2009 la première Coupe du monde T20 féminine, remportée par l’Angleterre à Lord’s. L’Australie domine ensuite la décennie, enchaînant les titres et posant de nouveaux standards de performance et de préparation.
Les ligues professionnelles accélèrent la transformation :
- WBBL (Australie, 2015) : une vitrine pionnière qui professionnalise l’élite et attire des stars mondiales.
- The Hundred (Angleterre & Pays de Galles, 2021) : format court avec une compétition féminine mise sur un pied d’égalité en visibilité avec la version masculine.
- WPL – Women’s Premier League (Inde, 2023) : budgets record, millions de téléspectateurs et explosion de notoriété pour les joueuses indiennes et internationales.
Le public suit. La finale de la Coupe du monde T20 2020 au MCG réunit près de 86 000 spectateurs, performance historique pour un match féminin de cricket. Côté politique sportive, l’ICC annonce en 2023 une égalité des primes entre les compétitions mondiales féminines et masculines, tandis que plusieurs fédérations (Angleterre, Australie, Inde, etc.) multiplient les contrats centralisés et professionnels pour leurs équipes.
Règles, formats et spécificités
Le cricket féminin se joue selon les mêmes Laws of Cricket que le masculin. Les formats sont identiques :
- Test : format longue durée, traditionnellement sur quatre jours (avec quelques rencontres prestigieuses désormais sur cinq).
- ODI : 50 overs par équipe.
- T20I : 20 overs par équipe.
Quelques adaptations existent selon les compétitions : une balle légèrement plus légère et plus petite, des limites de terrain un peu réduites, et des calendriers adaptés. Mais l’essence du jeu – technique au bâton, variations au lancer, stratégie de terrain – reste la même, offrant un spectacle complet où le sens tactique prime.
Figures marquantes et records
- Rachael Heyhoe Flint (Angleterre) : capitaine et ambassadrice majeure, gagnante de la Coupe du monde 1973.
- Belinda Clark (Australie) : première double centurionne en ODI (229* en 1997), symbole de l’ère moderne pré-T20.
- Mithali Raj (Inde) : meilleure totalisatrice en ODI féminin, incarnation de la longévité et de la classe au bâton.
- Jhulan Goswami (Inde) : l’une des meilleures preneuses de guichets en ODI, référence du fast bowling féminin.
- Ellyse Perry (Australie) : all-rounder d’exception, titre sur titre avec l’Australie.
- Meg Lanning (Australie) : capitaine prolifique, plusieurs titres mondiaux.
- Alyssa Healy (Australie) : héroïne de la finale T20 2020, frappe 170 au stade MCG.
- Harmanpreet Kaur (Inde) : son 171* en demi-finale de Coupe du monde 2017 a marqué les esprits.
- Amelia Kerr (Nouvelle-Zélande) : record de 232* en ODI (2018), l’une des plus jeunes stars à établir un tel sommet.
De nombreuses autres joueuses – de Sophie Devine à Smriti Mandhana, en passant par Sarah Taylor, Suzie Bates, Heather Knight ou Shabnim Ismail – ont façonné l’identité compétitive et le style spectaculaire du cricket féminin contemporain.
Équipement, tenues et image du jeu
Des jupes longues du XIXe siècle aux maillots techniques actuels, la tenue a suivi l’évolution de la performance et de la diffusion télévisée. Les protections (casques, gants, coques) sont standardisées et adaptées, tandis que les équipements spécifiques (balle légèrement plus légère, bats optimisés) servent la qualité du jeu. Les retransmissions en haute définition et l’analyse de données (Hawk-Eye, stats avancées) ont également renforcé la crédibilité technique du cricket féminin.
Impact culturel, médiatique et éducatif
La montée en puissance du cricket féminin a des effets tangibles :
- Participation : davantage de filles rejoignent des clubs et des académies, attirées par des modèles visibles et des parcours clairs.
- Médiatisation : droits TV en hausse, diffusions internationales et présence accrue sur les plateformes numériques.
- Économie du sport : salaires, sponsors, infrastructures ; les ligues (WBBL, WPL, The Hundred) stimulent l’investissement.
- Égalité : l’équité des primes en compétitions ICC et la professionnalisation étendue à des équipes nationales et régionales marquent un progrès notable.
Défis actuels et perspectives
Malgré les avancées, des défis subsistent :
- Calendrier des Tests : rares et concentrés sur quelques nations, alors que l’intérêt croît pour des rencontres de cinq jours.
- Élargissement de l’élite : soutenir les nations émergentes avec des tournées, des contrats et des compétitions de qualité.
- Infrastructures et pathways : consolider les structures U15/U19, la formation d’entraîneur·e·s et l’arbitrage.
- Équilibre formats/finances : tirer profit du T20 sans marginaliser le Test et l’ODI, essentiels à l’identité du cricket.
L’avenir s’annonce néanmoins radieux : stades plus souvent pleins, audiences numériques globales, données et science de la performance intégrées, et une narration historique inspirante, de Guildford à Melbourne, en passant par Mumbai et Sydney.
Repères chronologiques
- 1745 : premier match féminin consigné près de Guildford (Bramley vs Hambledon).
- 1926 : création de la Women’s Cricket Association (Angleterre).
- 1934–1935 : premiers Tests féminins (tournée de l’Angleterre en Australie et en Nouvelle-Zélande).
- 1958 : fondation de l’International Women’s Cricket Council (IWCC).
- 1973 : première Coupe du monde féminine (Angleterre championne).
- 2004 : premier T20 international féminin.
- 2005 : fusion IWCC–ICC.
- 2009 : première Coupe du monde T20 féminine (Angleterre championne).
- 2015 : lancement de la WBBL (Australie).
- 2020 : finale T20 au MCG devant ~86 000 spectateurs.
- 2021 : The Hundred, visibilité conjointe pour la compétition féminine.
- 2023 : lancement de la WPL (Inde) et égalité des primes annoncée par l’ICC.
Conclusion
De la lande de Gosden en 1745 aux ligues professionnelles et aux Coupes du monde retransmises à l’échelle planétaire, l’histoire du cricket féminin est celle d’une conquête tranquille mais déterminée. Porté par des pionnières, structuré par des institutions et magnifié par des athlètes d’exception, le cricket féminin s’impose aujourd’hui comme l’un des moteurs de croissance les plus dynamiques du sport mondial.
FAQ
Quand a eu lieu le premier match de cricket féminin consigné ?
Le 26 juillet 1745, près de Guildford (Surrey, Angleterre), entre Bramley et Hambledon, selon The Reading Mercury.
Quelle est la plus ancienne Coupe du monde de cricket féminin ?
La première Coupe du monde féminine s’est tenue en 1973 en Angleterre, remportée par l’équipe d’Angleterre menée par Rachael Heyhoe Flint.
Quels sont les principaux formats du cricket féminin ?
Les mêmes qu’au masculin : Test (longue durée), ODI (50 overs) et T20I (20 overs). Quelques ajustements existent, comme une balle légèrement plus légère et des limites de terrain parfois réduites.
Quelles ligues professionnelles ont dynamisé le cricket féminin ?
La WBBL en Australie (depuis 2015), The Hundred en Angleterre & Pays de Galles (depuis 2021) et la WPL en Inde (depuis 2023) ont joué un rôle majeur.
Quelles joueuses détiennent des records marquants ?
Mithali Raj (total de runs en ODI), Jhulan Goswami (guichets en ODI), Amelia Kerr (232* en ODI), Belinda Clark (première double centurionne en ODI), et Alyssa Healy (170 en finale T20 2020) figurent parmi les références.
Le cricket féminin bénéficie-t-il d’une égalité des primes ?
Depuis 2023, l’ICC a annoncé l’égalité des primes pour ses événements mondiaux. Par ailleurs, de plus en plus de fédérations étendent les contrats professionnels aux joueuses.
Où en est le format Test chez les femmes ?
Le Test féminin reste rare, mais l’intérêt renaît, avec certaines affiches disputées sur cinq jours et une volonté croissante d’en programmer davantage entre grandes nations.

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