La migration des membres de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (souvent appelée l'Église LDS) vers la vallée de Salt Lake, en Utah, est une épopée marquante de l'histoire américaine du XIXe siècle. Parmi les diverses méthodes de voyage employées, l'une des plus singulières et des plus emblématiques fut celle des « charrettes à bras ».

Ces pionniers des charrettes à bras ont incarné un esprit de foi et de sacrifice extraordinaire, entreprenant un périple de milliers de kilomètres à travers des paysages rudes, transportant leurs maigres possessions non pas dans de grands chariots tirés par des bœufs ou des chevaux, mais dans de simples charrettes qu'ils tiraient et poussaient eux-mêmes. Ce mouvement spécifique, qui s'est déroulé entre 1856 et 1860, représente une facette poignante et profondément humaine de cette grande aventure de colonisation.

L'Origine et l'Organisation du Mouvement des Charrettes à Bras

Le rêve de rejoindre leurs compagnons d'église en Utah, où une nouvelle patrie religieuse, souvent appelée Sion, était en cours d'établissement, animait des milliers de saints des derniers jours à travers le monde. Beaucoup de ces convertis provenaient d'Europe, notamment d'Angleterre, du Pays de Galles, d'Écosse et de Scandinavie, attirés par le message missionnaire de l'Église LDS. Cependant, la traversée de l'océan et le long voyage terrestre jusqu'à la vallée de Salt Lake représentaient un défi économique colossal. Le coût d'un voyage en chariot traditionnel, avec des attelages complets de bœufs ou de chevaux, était prohibitif pour la grande majorité d'entre eux.

C'est dans ce contexte que Brigham Young, président de l'Église, proposa en 1856 une solution plus abordable : les charrettes à bras. Légères et simples à construire, elles permettaient aux émigrants de transporter l'essentiel de leurs biens (vêtements, ustensiles de cuisine, quelques couvertures) à une fraction du coût. Près de 3 000 pionniers ont ainsi relevé ce défi, s'organisant en dix compagnies distinctes. Ces groupes débutaient leur périple depuis des points de rassemblement clés dans l'Iowa (comme Iowa City) ou le Nebraska (Florence, aujourd'hui une partie d'Omaha), après avoir traversé l'Atlantique en bateau. Chaque compagnie était supervisée par un capitaine et était censée transporter des vivres et du matériel pour la durée du voyage.

Les Épreuves du Chemin : Un Voyage de Foi et de Souffrance

Le voyage à pied, tirant ou poussant une charrette de près de 450 kilogrammes à travers des plaines vastes, des rivières déchaînées et des montagnes escarpées, était exténuant. Les pionniers affrontaient la faim, la soif, la fatigue chronique et les maladies. Cependant, l'année 1856 a marqué l'histoire par une tragédie particulièrement dévastatrice, celle des compagnies de James G. Willie et d'Edward Martin.

Ces deux dernières compagnies de l'année 1856 avaient malheureusement débuté leur voyage vers l'Utah bien trop tard dans la saison. Des retards dans l'approvisionnement et l'organisation, combinés à des conditions météorologiques imprévues, les piégèrent dans les redoutables plaines du centre du Wyoming. Prises par des chutes de neige précoces et des températures glaciales, souvent sous le point de congélation, ces compagnies se retrouvèrent dans une situation désespérée. Les vivres s'épuisèrent rapidement, et les pionniers, affaiblis par le froid et la famine, succombèrent en grand nombre.

Un Effort de Sauvetage Héroïque

La nouvelle des souffrances de ces pionniers, rapportée par quelques éclaireurs parvenus à Salt Lake City, secoua la communauté mormone. Brigham Young lança immédiatement un appel urgent à l'aide, exhortant les habitants de la vallée à envoyer des provisions et des équipes de sauvetage. Malgré l'arrivée imminente de l'hiver en Utah, des hommes, des chariots et des provisions furent rassemblés avec une rapidité remarquable. Cet effort collectif, empreint d'un profond sens de la communauté et de la foi, permit de sauver des centaines de vies.

Malgré cet effort héroïque, le bilan fut lourd. Sur les 980 pionniers des compagnies Willie et Martin, plus de 210 périrent en cours de route, victimes du froid, de la faim et de l'épuisement. Les témoignages de survivants, comme celui de John Chislett qui écrivit : « Beaucoup de pères ont tiré sa charrette, avec ses petits enfants dessus, jusqu'au jour précédant sa mort », illustrent la ténacité et la souffrance inimaginable endurées.

Un Symbole Indélébile : Héritage et Commémoration

Bien que les pionniers des charrettes à bras ne représentent qu'une fraction – moins de 10 % – des émigrants saints des derniers jours qui ont voyagé entre 1846 et 1868, leur histoire a acquis une signification symbolique immense. Ils sont devenus l'incarnation même de la fidélité inébranlable, du sacrifice personnel et de la persévérance face à l'adversité, des valeurs fondamentales au cœur de la culture de l'Église LDS.

Leur héritage est un rappel puissant de la détermination de la génération pionnière à construire une vie nouvelle basée sur leurs croyances. Aujourd'hui encore, les pionniers des charrettes à bras sont reconnus et honorés lors de divers événements. La Journée des Pionniers, célébrée chaque 24 juillet en Utah, commémore l'arrivée de Brigham Young et des premiers pionniers à Salt Lake Valley en 1847, et est l'occasion de se souvenir de toutes les contributions, y compris celles des compagnies de charrettes à bras. Des reconstitutions historiques, des camps d'expérience et des services religieux perpétuent leur mémoire, permettant aux jeunes générations de se connecter avec cette période cruciale de leur histoire.

FAQ sur les Pionniers des Charrettes à Bras Mormones

Qu'est-ce qu'une charrette à bras mormone ?

C'était un véhicule léger, généralement à deux roues, conçu pour être tiré et poussé à la main. Elle était fabriquée principalement en bois et pouvait transporter environ 300 à 450 kilogrammes de biens personnels et de provisions, permettant ainsi une alternative plus économique aux chariots à bœufs ou à chevaux pour les émigrants.

Pourquoi les pionniers ont-ils utilisé des charrettes à bras ?

La principale raison était économique. Le coût d'un voyage en chariot traditionnel était bien trop élevé pour la plupart des convertis européens. Les charrettes à bras offraient un moyen beaucoup plus abordable de migrer vers l'Utah, le transport par navire transatlantique et la charrette étant moins chers que l'achat de bétail et d'un chariot complet.

Combien de personnes ont participé et combien sont mortes ?

Entre 1856 et 1860, environ 3 000 pionniers ont voyagé en charrettes à bras, répartis en dix compagnies. Plus de 250 personnes sont décédées au cours de ces expéditions, dont la majorité (plus de 210) appartenaient aux deux compagnies tragiques de 1856 (Willie et Martin), prises par les rigueurs d'un hiver précoce et extrême.

Quelle était la durée typique d'un voyage en charrette à bras ?

Le voyage depuis l'Iowa ou le Nebraska jusqu'à Salt Lake Valley durait généralement entre trois et quatre mois, couvrant une distance d'environ 1 600 kilomètres. Les conditions difficiles et la marche quotidienne rendaient ce périple extrêmement éprouvant.

Quel rôle Brigham Young a-t-il joué dans le mouvement des charrettes à bras ?

Brigham Young, alors président de l'Église LDS, a initié l'idée des charrettes à bras en 1856 comme une solution économique pour les saints européens. Il a également joué un rôle crucial en organisant l'effort de sauvetage massif pour les compagnies en détresse de 1856, montrant un leadership décisif face à la crise.

Où peut-on voir des commémorations ou des reconstitutions ?

Des sites historiques le long du sentier des pionniers, notamment dans le Wyoming (comme Martin's Cove et le parc historique national des sentiers de la côte du fleuve Sweetwater), conservent la mémoire de ces événements. L'Église LDS organise également des "treks" ou des reconstitutions pour les jeunes, leur permettant de vivre une expérience similaire (bien que moins rigoureuse) afin d'honorer l'héritage de leurs ancêtres pionniers. La Journée des Pionniers en Utah est également une commémoration majeure.