Seconde Guerre mondiale : l'armée thaïlandaise Phayap envahit les États Shan pendant la campagne de Birmanie.
Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, un conflit souvent éclipsé par les fronts européens et pacifiques majeurs se déroulait en Asie du Sud-Est, impactant profondément le destin de nations entières. Parmi les acteurs de cette période tumultueuse figurait l'Armée Phayap (thaï : กองทัพพายัพ, également connue sous les translittérations RTGS : Thap Phayap ou Payap, signifiant "nord-ouest"), une force militaire thaïlandaise qui a marqué l'histoire par son implication dans la Campagne de Birmanie.
Le 10 mai 1942, cette armée a lancé une invasion des États Shan, alors sous souveraineté siamoise mais situés sur le territoire de la Birmanie britannique, contribuant ainsi à l'avancée des forces de l'Axe dans la région. Cet événement n'était qu'un maillon d'une série de batailles d'une complexité sans précédent, connue sous le nom de Campagne de Birmanie.
La Campagne de Birmanie : Un Théâtre Complexe de la Seconde Guerre Mondiale
La Campagne de Birmanie fut l'un des théâtres d'opérations les plus exigeants et les moins conventionnels de la Seconde Guerre mondiale. Se déroulant principalement dans la colonie britannique de Birmanie, elle a opposé un ensemble hétéroclite de forces Alliées — l'Empire britannique, dont une écrasante majorité de troupes indiennes et coloniales africaines, ainsi que la République de Chine, avec le soutien crucial des États-Unis — aux forces d'invasion de l'Empire du Japon. Le Japon, dans sa quête d'une "Sphère de Co-prospérité de la Grande Asie Orientale", était soutenu par l'Armée Phayap thaïlandaise et par plusieurs mouvements et armées indépendantistes collaborationnistes locaux, désireux de se libérer du joug colonial britannique. Parmi eux, l'Armée de l'Indépendance Birmane fut le fer de lance des premières attaques contre le pays.
Initialement, l'avancée japonaise fut fulgurante. Des États fantoches furent établis dans les zones conquises et des territoires stratégiques furent annexés, tandis que les premières offensives Alliées lancées depuis l'Inde britannique se soldèrent par des échecs cuisants. Plus tard dans la campagne, notamment lors de l'ultime offensive de 1944 en Inde et de la reconquête de la Birmanie par les Alliés, l'Armée Nationale Indienne, dirigée par le révolutionnaire Subhas Chandra Bose et son gouvernement provisoire de l'"Inde Libre", combattait également aux côtés des Japonais, poursuivant un objectif d'indépendance de l'Inde par la force.
L'ampleur des forces de l'Empire britannique en Birmanie atteignit un sommet d'environ un million de soldats et de personnels aériens. Ces troupes provenaient majoritairement de l'Inde britannique, complétées par des forces de l'armée britannique (l'équivalent de huit divisions d'infanterie régulières et six régiments de chars), quelque 100 000 troupes coloniales originaires d'Afrique de l'Est et de l'Ouest, et un contingent plus restreint de forces terrestres et aériennes de divers autres dominions et colonies.
Des Caractéristiques Uniques et des Défis Redoutables
La Campagne de Birmanie ne ressemblait à aucune autre, notamment en raison de ses caractéristiques géographiques et climatiques exceptionnelles. La région, dominée par la jungle dense, les montagnes escarpées et les rivières tumultueuses, rendait chaque mouvement de troupes et chaque opération logistique extraordinairement difficiles. Les conditions météorologiques, caractérisées par les pluies de mousson saisonnières qui limitaient les campagnes efficaces à un peu plus de la moitié de chaque année, exacerbaient ces défis. La maladie, en particulier le paludisme et la dysenterie, fut un ennemi aussi redoutable que l'adversaire humain, décimant les rangs des soldats des deux camps.
Le manque criant d'infrastructures de transport – routes, ponts et chemins de fer étaient rares ou inexistants – a imposé une dépendance massive à l'ingénierie militaire pour construire des pistes et des ponts sous le feu ennemi, ainsi qu'au transport aérien. Ce dernier est devenu vital pour déplacer et ravitailler les troupes isolées dans la jungle et évacuer les blessés, une prouesse logistique sans précédent pour l'époque.
Sur le plan politique, la campagne était également d'une grande complexité. Les Alliés eux-mêmes, à savoir les Britanniques, les Américains et les Chinois, avaient des priorités stratégiques divergentes. Londres privilégiait la défaite de l'Allemagne nazie en Europe, Washington s'intéressait davantage au théâtre du Pacifique contre le Japon, tandis que la Chine luttait pour sa survie et recherchait des approvisionnements vitaux via la Birmanie.
Une Campagne Continue et Multiphase
Fait remarquable, la Campagne de Birmanie fut la seule campagne terrestre des Alliés occidentaux dans le théâtre du Pacifique qui se déroula de manière continue, du début des hostilités jusqu'à la fin de la guerre. Cette persistance était due à sa situation géographique stratégique, s'étendant de l'Asie du Sud-Est jusqu'aux frontières de l'Inde. Elle englobait des territoires que les Britanniques avaient initialement perdus, mais aussi des régions de l'Inde où l'avancée japonaise fut finalement stoppée, empêchant ainsi une menace directe sur le Raj britannique.
Combinée aux facteurs climatiques, aux problèmes logistiques et aux autres défis tels que la famine et le désordre qui affectaient l'Inde britannique, ainsi qu'à la priorité Alliée accordée à la défaite de l'Allemagne nazie, la campagne s'est prolongée et s'est divisée en quatre phases distinctes :
- L'invasion japonaise initiale (1942) : Cette phase a vu l'expulsion rapide des forces britanniques, indiennes et chinoises de la Birmanie.
- Les tentatives infructueuses des Alliés (fin 1942 – début 1944) : Période marquée par plusieurs offensives Alliées qui n'ont pas réussi à reprendre le contrôle de la Birmanie.
- L'invasion japonaise de l'Inde (1944) : Une offensive majeure du Japon qui a culminé avec les batailles d'Imphal et de Kohima, où les forces japonaises et l'Armée Nationale Indienne ont été décisivement vaincues.
- L'offensive Alliée réussie (fin 1944 – mi-1945) : La phase finale, où les Alliés, après de lourds combats, ont réussi à libérer la Birmanie.
Relations Politiques Complexes et Héritage Durable
L'atmosphère politique au sein des régions d'Asie du Sud-Est occupées par le Japon, qui poursuivait sa politique panasiatique de "Sphère de Co-prospérité de la Grande Asie Orientale", a fortement influencé la campagne. Ces ambitions ont conduit à une révolution parrainée par les Japonais lors de l'invasion initiale et à la création de l'État de Birmanie. C'est également là que le gouvernement provisoire de l'Inde Libre, avec son Armée Nationale Indienne, a établi son quartier général. Cependant, l'attitude dominante et souvent brutale des militaristes japonais commandant les armées stationnées dans le pays a fini par discréditer l'idée même de la sphère de co-prospérité aux yeux des populations locales. Les espoirs d'une véritable indépendance furent anéantis, et l'Armée Nationale Birmane, initialement établie avec l'aide japonaise, se révolta contre ses anciens alliés en 1945.
Du côté Allié, les relations politiques étaient également mitigées pendant une grande partie de la guerre. La "Force X" chinoise, entraînée par les Américains au sein du Théâtre Chine-Birmanie-Inde, a favorisé une coopération entre les deux pays. Cependant, les stratégies conflictuelles proposées par le général américain Joseph W. "Vinegar Joe" Stilwell et le généralissime chinois Tchang Kaï-chek ont finalement mené à la révocation de Stilwell de son poste de commandant américain du théâtre. En revanche, les relations sino-indiennes se sont avérées plus positives, renforcées par la collaboration autour de la Route de Birmanie, construite pour approvisionner la "Force Y" chinoise et l'effort de guerre chinois à l'intérieur de la Chine, ainsi que par les missions héroïques sur la route aérienne extrêmement dangereuse au-dessus de l'Himalaya, surnommée "La Bosse".
La Campagne de Birmanie, avec ses sacrifices immenses et ses innombrables défis, a eu un impact profond sur la lutte pour l'indépendance de la Birmanie et de l'Inde dans les années d'après-guerre, posant les jalons de l'autodétermination de ces nations.
FAQ sur la Campagne de Birmanie et l'Armée Phayap
- Qu'était l'Armée Phayap ?
- L'Armée Phayap était une force militaire thaïlandaise ("nord-ouest" en thaï) qui s'est alignée avec le Japon impérial pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a participé à l'invasion des États Shan de Birmanie le 10 mai 1942, agissant comme un soutien aux forces japonaises lors de la Campagne de Birmanie.
- Pourquoi la Birmanie était-elle si importante pendant la Seconde Guerre Mondiale ?
- La Birmanie était stratégiquement cruciale pour plusieurs raisons : elle protégeait le flanc oriental de l'Inde britannique, elle servait de principale voie d'approvisionnement terrestre vers la Chine (la Route de Birmanie), et elle était une source de ressources naturelles. Pour le Japon, la Birmanie était une porte d'entrée vers l'Inde et une composante essentielle de sa "Sphère de Co-prospérité de la Grande Asie Orientale".
- Quelles étaient les principales forces en présence lors de la Campagne de Birmanie ?
- Les forces Alliées comprenaient principalement l'Empire britannique (avec une majorité de troupes indiennes, britanniques et coloniales africaines), la République de Chine (avec le soutien et l'équipement américains), et les États-Unis. Elles étaient opposées à l'Empire du Japon, soutenu par l'Armée Phayap thaïlandaise, l'Armée de l'Indépendance Birmane et l'Armée Nationale Indienne.
- Qu'est-ce qui a rendu la Campagne de Birmanie particulièrement difficile ?
- Les défis majeurs incluaient un terrain extrêmement difficile (jungles, montagnes, rivières), un climat marqué par des pluies de mousson intenses limitant les opérations, des maladies tropicales omniprésentes (paludisme, dysenterie), un manque d'infrastructures de transport, et des problèmes logistiques considérables nécessitant un recours intensif à l'ingénierie et au transport aérien.
- Qu'était la "Sphère de Co-prospérité de la Grande Asie Orientale" ?
- Il s'agissait d'un concept politique et économique impérialiste créé et promu par l'Empire du Japon, visant à établir un bloc de nations asiatiques sous la direction japonaise, libérées de la colonisation occidentale. En pratique, elle servait à légitimer l'expansionnisme japonais et à exploiter les ressources des territoires conquis pour son effort de guerre.
- Quel a été l'impact de la Campagne de Birmanie sur l'indépendance de la Birmanie et de l'Inde ?
- La campagne a catalysé les mouvements d'indépendance en Birmanie et en Inde. Bien que le soutien japonais à des entités comme l'Armée Nationale Indienne ou le gouvernement birman provisoire ait été opportuniste, il a contribué à affaiblir l'autorité coloniale britannique et à renforcer le sentiment nationaliste, ouvrant la voie à l'indépendance de ces nations après la guerre.
- Qu'était "La Bosse" (The Hump) ?
- "La Bosse" était le surnom donné à la dangereuse route aérienne trans-Himalayenne utilisée par les forces Alliées (principalement américaines) pour ravitailler la Chine après que la Route de Birmanie eut été coupée par les Japonais. Les vols au-dessus de l'Himalaya étaient extrêmement périlleux en raison des conditions météorologiques imprévisibles, des vents violents et des risques de panne mécanique en haute altitude.