Pendant la guerre civile cambodgienne, les massacres de la minorité vietnamienne ont fait couler 800 corps dans le fleuve Mékong vers le sud du Vietnam.
La guerre civile cambodgienne (en khmer : សង្គ្រាមស៊ីវិលកម្ពុជា) fut un conflit dévastateur qui a profondément marqué l'histoire du Cambodge. Elle s'est déroulée entre 1970 et 1975, opposant principalement les forces du Parti communiste du Kampuchéa, mieux connues sous le nom de Khmers rouges – un mouvement soutenu par le Nord-Vietnam et le Viet Cong – aux forces gouvernementales du Royaume du Cambodge. Après le coup d'État de 1970, ces dernières furent celles de la République khmère, bénéficiant du soutien des États-Unis et du Sud-Vietnam. Ce conflit, ancré dans les tensions de la Guerre froide et intrinsèquement lié à la Seconde Guerre d'Indochine, fut une lutte complexe où les influences et actions des alliés étrangers jouèrent un rôle prépondérant.
Les Racines du Conflit et l'Intervention Étrangère
L'implication de l'Armée populaire du Vietnam (APN, ou PAVN en anglais) du Nord-Vietnam fut initialement motivée par la nécessité de protéger ses zones de bases et ses sanctuaires situés dans l'est du Cambodge. Ces territoires étaient cruciaux pour la logistique et les opérations nord-vietnamiennes dans le cadre de la guerre du Vietnam, notamment le long du sentier Ho Chi Minh. Leur présence, bien qu'une violation de la neutralité cambodgienne, fut d'abord tolérée par le Prince Norodom Sihanouk, alors chef de l'État cambodgien, dans le cadre d'une politique d'équilibre précaire.
Cependant, le soutien croissant apporté par la Chine et le Nord-Vietnam aux Khmers rouges, un mouvement antigouvernemental, ainsi que la présence persistante de l'APN, alarmèrent Sihanouk. Face à une résistance intérieure grandissante, il se rendit à Moscou en mars 1970, espérant que les Soviétiques usent de leur influence pour modérer le comportement nord-vietnamien. Mais la situation dégénéra rapidement. Des manifestations massives contre la présence des troupes nord-vietnamiennes dans la capitale, Phnom Penh, furent suivies par la déposition de Sihanouk par l'Assemblée nationale cambodgienne. Un nouveau gouvernement, ouvertement pro-américain et se proclamant plus tard la République khmère, prit le pouvoir et exigea le retrait immédiat de l'APN du Cambodge. Le refus catégorique du Nord-Vietnam, couplé à une invasion massive du Cambodge à la demande des Khmers rouges, marqua le début d'une escalade sans précédent.
L'Intensification des Combats et les Acteurs Majeurs
Entre mars et juin 1970, les forces nord-vietnamiennes conquirent une grande partie du tiers nord-est du pays après des engagements féroces avec l'armée cambodgienne. Par la suite, elles cédèrent une partie de ces territoires et fournirent une assistance significative aux Khmers rouges, transformant ainsi ce qui était à l'époque un petit mouvement de guérilla en une force redoutable. En réponse, le gouvernement cambodgien s'efforça d'élargir rapidement son armée pour contrer l'avancée nord-vietnamienne et la montée en puissance des Khmers rouges, perçus comme une menace directe à la propagation du communisme au Cambodge.
Les États-Unis et le Sud-Vietnam intervinrent également directement dans les combats. Les forces américaines, cherchant à déstabiliser les bases et les lignes d'approvisionnement nord-vietnamiennes, soutinrent le gouvernement central avec des campagnes massives de bombardements aériens et une aide matérielle et financière directe. Les troupes sud-vietnamiennes participèrent à des incursions transfrontalières, souvent en coordination avec les Américains. De leur côté, les Nord-Vietnamiens maintinrent une présence militaire substantielle sur les terres qu'ils avaient occupées et engagèrent l'armée de la République khmère dans des combats au sol.
Conséquences Dévastatrices et Héritage Tragique
Après cinq années de combats acharnés et sanglants, le gouvernement républicain s'effondra le 17 avril 1975, lorsque les Khmers rouges, victorieux, entrèrent dans Phnom Penh et proclamèrent l'établissement du Kampuchéa démocratique. Cette victoire marqua la fin de la guerre civile mais le début d'une période encore plus sombre pour le Cambodge.
Les conséquences de la guerre furent cataclysmiques :
- Crise des réfugiés : Une exode rural massif déplaça environ deux millions de personnes, soit plus de 25% de la population, des campagnes vers les villes. Phnom Penh, par exemple, vit sa population passer d'environ 600 000 habitants en 1970 à près de 2 millions en 1975, créant une pression humanitaire insoutenable.
- Enfants-soldats : Des enfants furent largement utilisés, souvent persuadés ou forcés de commettre des atrocités, un triste témoignage de la brutalité du conflit.
- Destruction matérielle : Le gouvernement cambodgien estima que plus de 20% des biens du pays furent détruits pendant la guerre, anéantissant des années de développement.
- Pertes humaines : On estime que le conflit fit entre 275 000 et 310 000 victimes, un bilan effroyable pour une nation déjà fragile.
Le conflit cambodgien ne fut pas un événement isolé mais s'inscrivait dans le cadre plus large de la Seconde Guerre d'Indochine (1955-1975), qui ravagea également les pays voisins que sont le Laos (guerre civile laotienne) et le Vietnam (guerre du Vietnam). Malheureusement, la guerre civile cambodgienne ne fut que le prélude au génocide cambodgien, l'un des plus sanglants de l'histoire moderne, orchestré par le régime des Khmers rouges.
Les Cambodgiens Vietnamiens : Une Communauté en Périphérie
Les Cambodgiens vietnamiens désignent le groupe ethnique de Vietnamiens vivant au Cambodge, qu'ils soient d'origine vietnamienne pure ou partiellement khmère. Leur présence au Cambodge est une question complexe et souvent source de tensions. Les estimations de leur population varient considérablement : en 2013, des sources cambodgiennes estimaient qu'environ 15 000 Vietnamiens vivaient au Cambodge, tandis que des sources vietnamiennes avancent le chiffre de 156 000. Des universitaires indépendants suggèrent un nombre bien plus élevé, entre 400 000 et un million de personnes, soulignant les difficultés de recensement et la nature sensible de la question.
Ces communautés résident principalement dans les régions du sud-est du Cambodge, le long de la frontière avec le Vietnam, ou vivent sur des bateaux-logements sur le lac Tonlé Sap et les fleuves Mékong. L'arrivée des premiers Vietnamiens au Cambodge moderne remonte au début du XIXe siècle, sous l'ère des seigneurs Nguyễn. Cependant, la majorité d'entre eux s'est installée pendant les périodes de l'administration coloniale française et, plus tard, de l'administration de la République populaire du Kampuchéa.
Durant les gouvernements de la République khmère et des Khmers rouges dans les années 1970, les Vietnamiens furent ciblés par des violences massives et des actes génocidaires. Des milliers d'entre eux furent tués, et beaucoup d'autres trouvèrent refuge au Vietnam, fuyant la persécution. Les relations ethniques entre Cambodgiens et Vietnamiens restent tendues et complexes, les Vietnamiens étant souvent la cible principale d'attaques xénophobes de la part de partis politiques depuis les années 1990. En outre, une grande partie de la population vietnamienne au Cambodge vit dans une situation d'apatridie, ce qui entraîne d'importantes difficultés d'accès à l'éducation, à l'emploi et au logement, perpétuant un cycle de marginalisation.
FAQs sur la Guerre Civile Cambodgienne
Qu'est-ce que la guerre civile cambodgienne ?
La guerre civile cambodgienne est un conflit armé qui s'est déroulé au Cambodge de 1970 à 1975. Elle a opposé les forces gouvernementales de la République khmère (soutenues par les États-Unis et le Sud-Vietnam) aux Khmers rouges (soutenus par le Nord-Vietnam et le Viet Cong).
Quand la guerre civile cambodgienne a-t-elle eu lieu ?
Le conflit s'est déroulé principalement entre mars 1970 et le 17 avril 1975, date de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges.
Quel a été le rôle des puissances étrangères dans ce conflit ?
Le Nord-Vietnam et le Viet Cong ont soutenu les Khmers rouges en utilisant le territoire cambodgien comme sanctuaire. Les États-Unis et le Sud-Vietnam ont soutenu la République khmère par des bombardements aériens massifs, une aide financière et des incursions militaires, en grande partie pour contrer l'influence nord-vietnamienne et contenir le communisme dans la région.
Quelles ont été les conséquences principales de la guerre civile ?
La guerre a eu des conséquences dévastatrices : une crise majeure de réfugiés avec deux millions de personnes déplacées, la destruction de plus de 20% des biens du pays, l'utilisation d'enfants-soldats, et un nombre estimé de 275 000 à 310 000 victimes. Elle a également mené à l'établissement du régime brutal du Kampuchéa démocratique des Khmers rouges et au génocide cambodgien.
Comment la guerre civile cambodgienne est-elle liée à la guerre du Vietnam ?
Elle faisait partie intégrante de la Seconde Guerre d'Indochine. La présence des forces nord-vietnamiennes sur le territoire cambodgien, cruciale pour leur effort de guerre au Vietnam, a été un facteur déclencheur majeur du conflit, transformant le Cambodge en un théâtre d'opérations indirect de la guerre du Vietnam.
Qui sont les Cambodgiens vietnamiens et comment ont-ils été affectés ?
Il s'agit de la population d'origine vietnamienne vivant au Cambodge. Durant la guerre civile et sous les régimes de la République khmère et des Khmers rouges, ils ont été la cible de persécutions et de massacres, des milliers d'entre eux ayant été tués ou contraints de fuir. Ils continuent de faire face à la xénophobie et sont souvent apatrides, ce qui limite leur accès aux services essentiels.