Herman Melville , romancier, nouvelliste et poète américain (décédé en 1891)
Un Géant Littéraire Américain : La Vie et l'Œuvre d'Herman Melville
Herman Melville (né Melvill le 1er août 1819 – décédé le 28 septembre 1891) fut une figure emblématique de la littérature américaine, s'illustrant comme romancier, nouvelliste et poète durant la période effervescente de la Renaissance américaine. Cette époque, caractérisée par un renouveau intellectuel et artistique intense entre 1830 et 1860, vit l'émergence d'œuvres fondatrices qui exploraient des thèmes universels et spécifiquement américains. Parmi les contributions les plus célèbres de Melville figurent l'immense roman d'aventure et de métaphysique, Moby-Dick (1851), une quête obsessionnelle du capitaine Achab contre une baleine blanche symbolique, qui sonde les profondeurs de l'obsession humaine, du bien et du mal; Typee (1846), un récit romancé de ses expériences vécues en Polynésie, offrant un aperçu fascinant des cultures insulaires et une critique de la civilisation occidentale; et la nouvelle magistrale, Billy Budd, marin (publiée à titre posthume en 1924), une méditation poignante sur l'innocence, la justice et la nature du mal. Étonnamment, sa renommée était loin d'être établie au moment de sa mort, son génie étant largement méconnu par ses contemporains. Cependant, le centenaire de sa naissance en 1919 marqua un tournant décisif, déclenchant une véritable redécouverte de son œuvre et une réévaluation critique. C'est à partir de ce renouveau que Moby-Dick fut progressivement reconnu comme l'un des plus grands romans américains, une œuvre visionnaire qui transcende son époque par sa complexité philosophique et sa puissance narrative.
Une Jeunesse Mouvementée et les Premiers Succès Maritimes
Né à New York, Herman Melville était le troisième enfant d'un commerçant prospère dont la famille jouissait d'un certain standing social. Toutefois, le décès prématuré de son père en 1832 plongea brutalement la famille dans une situation financière précaire, l'obligeant à interrompre ses études et à chercher du travail dès son adolescence. En quête d'opportunités et d'aventures, mais aussi poussé par la nécessité, il s'engagea en 1839 comme matelot sur un navire marchand, puis, de manière plus emblématique, sur le baleinier Acushnet. C'est lors de ce voyage épique qu'il déserta le navire aux îles Marquises, où il vécut un temps, immergé parmi les peuples indigènes. Cette expérience extraordinaire allait profondément marquer son imagination et nourrir une grande partie de ses premiers écrits. Ses premiers livres, Typee (1846) et sa suite Omoo (1847), furent des récits d'aventures exotiques directement inspirés de ses rencontres et observations en Océanie. Leur succès initial, bien que modeste et souvent perçu comme purement divertissant, lui apporta une sécurité financière suffisante pour épouser Elizabeth Shaw, la fille du respecté juriste de Boston, Lemuel Shaw, un homme d'influence qui devint un soutien familial important. Sa carrière littéraire prit une tournure plus audacieuse avec Mardi (1849), une romance-aventure allégorique et son premier ouvrage qui ne s'appuyait pas directement sur son vécu personnel. Ce livre, malheureusement jugé trop expérimental, trop digressif et complexe pour son public de l'époque, ne fut pas bien accueilli. Malgré cet échec, Redburn (1849) et White-Jacket (1850), deux récits plus conventionnels explorant la vie en mer à travers le regard d'un jeune homme bien né, reçurent des critiques respectables. Cependant, leurs ventes furent insuffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille grandissante, le laissant aux prises avec des difficultés financières croissantes.
L'Apogée Littéraire, la Désillusion et la Reconversion
L'ambition littéraire de Melville atteignit son paroxysme avec l'écriture de Moby-Dick (1851), un projet colossal qui lui demanda près d'un an et demi de travail intense et qui est devenu le point culminant de son œuvre. Tragiquement, ce chef-d'œuvre, avant-gardiste dans sa forme et ses thèmes, ne trouva pas son public à l'époque, déroutant les lecteurs habitués à ses récits d'aventure plus simples. Les critiques furent d'autant plus dédaigneuses envers son roman psychologique, sombre et complexe, Pierre : ou, Les Ambiguïtés (1852), un récit qui explorait des thèmes d'inceste et de faillite morale, aliéanant définitivement une grande partie de son lectorat. Face à ces échecs commerciaux répétés et la nécessité de nourrir sa famille, Melville se tourna vers la publication de nouvelles dans des magazines entre 1853 et 1856, période durant laquelle il produisit des pépites littéraires telles que la parabole sur l'aliénation « Benito Cereno » et la méditation existentielle « Bartleby, le scribe », aujourd'hui considérées comme des classiques du genre. En 1857, après une dernière tentative avec son roman de satire sociale The Confidence-Man (le dernier de ses ouvrages en prose), qui fut également un échec commercial, il entreprit un voyage en Angleterre et parcourut le Proche-Orient, cherchant peut-être un renouveau ou une échappatoire à ses frustrations littéraires. Finalement, en 1863, il déménagea à New York et, contraint par les nécessités financières, accepta un poste d'inspecteur des douanes des États-Unis, un emploi stable mais ingrat qui marqua la fin de sa carrière active de romancier professionnel.
Années de Réflexion, Tragédies Personnelles et Héritage Posthume
À partir de ce moment, Herman Melville réorienta ses énergies créatives vers la poésie, un mode d'expression plus intime et moins soumis aux pressions commerciales et aux attentes du public. Ses réflexions poétiques sur les enjeux moraux et les traumatismes de la Guerre de Sécession trouvèrent leur écho dans Battle-Pieces and Aspects of the War (1866), un recueil considéré comme l'une des œuvres poétiques les plus significatives de cette période. Cette période fut également marquée par des tragédies personnelles dévastatrices : en 1867, son fils aîné, Malcolm, mourut chez lui d'un coup de feu auto-infligé dans des circonstances ambiguës, laissant une profonde cicatrice dans la famille. Puis, en 1886, son autre fils, Stanwix, succomba à ce qui semblait être la tuberculose. Ces deuils profonds, combinés à son retrait du monde littéraire commercial, l'amenèrent à écrire l'épopée métaphysique monumentale Clarel: A Poem and Pilgrimage in the Holy Land, publiée en 1876, une œuvre de plus de 18 000 vers qui reflète ses questionnements philosophiques et spirituels profonds. Après la mort de Stanwix, Melville prit sa retraite du service des douanes. Au cours de ses dernières années, il publia en privé quelques volumes de poésie pour un cercle restreint de lecteurs et laissa derrière lui un manuscrit inédit. Sa dernière œuvre de fiction, la nouvelle Billy Budd, marin, demeura inachevée au moment de sa mort en 1891 des suites d'une maladie cardiovasculaire, mais elle fut finalement découverte et publiée à titre posthume en 1924, venant sceller sa place parmi les grands de la littérature mondiale et offrant une conclusion poignante à une carrière littéraire d'une richesse incomparable.
FAQ sur Herman Melville
- Quelle est l'œuvre la plus célèbre d'Herman Melville ?
- Bien qu'il ait écrit de nombreuses œuvres significatives, Moby-Dick (1851) est incontestablement son roman le plus célèbre et le plus étudié, souvent considéré comme l'un des piliers de la littérature américaine et une œuvre majeure de la littérature mondiale.
- Melville était-il célèbre de son vivant ?
- Non, malheureusement, Herman Melville n'a pas connu une grande renommée de son vivant. Ses œuvres, notamment Moby-Dick et Pierre, n'ont pas été des succès commerciaux immédiats et ont souvent dérouté les critiques et le public de son époque. Sa véritable reconnaissance a été largement posthume, initiée par un renouveau d'intérêt autour du centenaire de sa naissance en 1919.
- Qu'est-ce que la « Renaissance américaine » ?
- La Renaissance américaine est une période de l'histoire littéraire des États-Unis, s'étendant approximativement de 1830 à 1860, marquée par une floraison exceptionnelle de la littérature, de la philosophie et des arts. Des auteurs comme Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Nathaniel Hawthorne, Edgar Allan Poe et Herman Melville ont produit des œuvres explorant des thèmes distinctement américains et universels, contribuant à forger une identité littéraire nationale.
- Pourquoi Herman Melville a-t-il pris la mer ?
- La mort de son père a plongé sa famille dans de graves difficultés financières. Melville a pris la mer comme matelot pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, mais aussi par soif d'aventure et de découvertes. Ces expériences maritimes ont profondément nourri ses premiers récits et ont influencé une grande partie de son œuvre.
- Quand Billy Budd, marin a-t-il été publié ?
- La nouvelle Billy Budd, marin est restée inachevée au moment de la mort de Melville en 1891. Elle a été découverte et publiée à titre posthume en 1924, soit 33 ans après son décès, et est rapidement devenue une œuvre essentielle de son corpus, célébrée pour sa profondeur philosophique et sa beauté tragique.