
En bref — Une « journée internationale » ou « nationale » est une observance officielle servant à mobiliser l’attention publique, aligner des politiques et déclencher des actions. Elle peut être décrétée par l’ONU, par une agence spécialisée, par un gouvernement, ou émerger d’initiatives d’ONG avant d’être reconnue.
Ce guide explique qui décide d’une journée, d’une semaine ou d’une année, les critères de désignation, le chemin de campagne à suivre, et les dynamiques politiques qui accompagnent la reconnaissance officielle.
Pourquoi créer une journée, une semaine ou une année officielle ?
Les observances — « journée internationale », « semaine mondiale », « année internationale » — servent à concentrer l’attention publique sur une cause et à synchroniser des actions à l’échelle mondiale ou nationale. Elles peuvent :
- Visibiliser un enjeu sous-estimé (ex. l’assainissement, la sécurité routière, la santé mentale).
- Coordonner communication, financements et plaidoyer (lancements de rapports, campagnes médiatiques, événements).
- Implanter des politiques publiques (plans nationaux, réformes, budgets, nouvelles normes).
- Créer un rendez-vous régulier pour mesurer les progrès (indicateurs, engagements, partenariats).
Qui décide d’une « journée » ? Trois canaux principaux
1) L’ONU et ses organes
La plupart des journées internationales officielles sont établies par l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) via une résolution. Certaines naissent d’abord au sein d’une agence spécialisée (OMS, FAO, UNESCO) ou du Conseil des droits de l’homme, puis sont endossées par l’AGNU pour bénéficier d’une portée universelle.
2) Les gouvernements nationaux
Les États créent des journées nationales par loi, décret, proclamation présidentielle ou arrêté ministériel, selon leur constitution. Ces observances ancrent des priorités domestiques (santé, mémoire, cohésion) et peuvent inspirer des initiatives internationales.
3) Les ONG, réseaux et coalitions
De nombreuses « journées mondiales » naissent de la société civile ou d’alliances professionnelles. Certaines restent non officielles mais populaires; d’autres obtiennent plus tard une reconnaissance par l’ONU ou des gouvernements. Exemple emblématique : la Journée mondiale des toilettes, lancée par une ONG en 2001, adoptée officiellement par l’ONU en 2013.
Comment l’ONU officialise une journée internationale
Le parcours type, étape par étape
- Idée et dossier : une cause, des données probantes, une note conceptuelle.
- Coalition d’États : un ou plusieurs États « porteurs » rassemblent des co-parrains issus de régions différentes.
- Consultation des agences : l’OMS, l’UNESCO, la FAO ou une autre entité technique évalue la pertinence et l’opérabilité.
- Projet de résolution : le texte fixe l’intitulé, la date, les objectifs, l’entité chef de file et le principe de pas d’incidence budgétaire sur le budget ordinaire.
- Négociations : discussions de langage (définitions, références aux droits, à l’Agenda 2030) et d’équilibres politiques.
- Adoption : par consensus ou vote en Assemblée générale.
- Mise en œuvre : communication par le Secrétariat; l’agence chef de file publie lignes directrices, visuels, calendrier d’événements et indicateurs.
Critères officieux mais décisifs
- Pertinence universelle et lien clair avec la Charte de l’ONU et les ODD.
- Non-duplication avec une observance existante ou complémentarité explicite.
- Faisabilité avec des ressources extrabudgétaires (volontaires, partenariats).
- Base de preuves solide (données, rapports, consensus scientifique/politique).
- Co-parrainage équilibré par régions et familles politiques.
- Formulation neutre et sensible aux contextes pour éviter blocages diplomatiques.
Agences spécialisées : qui fait quoi ?
- OMS : journées santé (ex. Journée mondiale de la santé, Semaine mondiale de la vaccination). Expertise, messages, suivi.
- UNESCO : éducation, culture, sciences, médias (ex. Journée mondiale de la liberté de la presse; Année internationale des langues autochtones).
- FAO : alimentation et agriculture (ex. Journée mondiale de l’alimentation; Année internationale des légumineuses).
- Autres : ONU Femmes, OIT, PNUE, UIT… pilotent ou copilotent des thématiques sectorielles.
Exemples concrets de désignation
- Journée internationale des droits des femmes (8 mars) : promue par des mouvements sociaux au XXe siècle; l’ONU l’a officiellement reconnue dans le sillage de 1975 (Année internationale de la femme) et par résolution de l’Assemblée générale en 1977 invitant les États à proclamer la journée.
- Journée mondiale du sida (1er décembre) : lancée par l’OMS en 1988; aujourd’hui portée par l’ONUSIDA avec des États et la société civile.
- Journée mondiale des toilettes (19 novembre) : créée par une ONG en 2001; adoptée par l’AGNU en 2013, soulignant l’assainissement comme enjeu de dignité et de santé publique.
- Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda (7 avril) : illustre la sensibilité du langage onusien et l’importance de la mémoire et de la précision historique.
- Année internationale des légumineuses (2016) : portée par la FAO pour stimuler recherche, consommation et marchés.
Au niveau national : comment naissent les journées « chez soi »
Modèles de création selon les pays
- États-Unis : une observance peut être créée par loi (résolution conjointe du Congrès) et/ou proclamation présidentielle. Certaines sont fixées par la loi (p. ex., Heritage Months) et renouvelées annuellement par proclamation.
- France : la plupart des « journées nationales » sont instituées par loi (vote Assemblée/Sénat, promulgation), parfois par décret pour des hommages officiels. Ex.: Journée nationale de la Résistance (27 mai) créée par loi en 2013.
- Inde : notifications au Journal officiel par les ministères; nombreuses journées sectorielles (ex. Journée nationale des sciences, 28 février) décidées par le gouvernement central.
- Royaume-Uni : peu de journées ancrées en loi; de nombreuses « awareness days » sont menées par des ONG avec endossement des départements ministériels.
Dans tous les cas, trois voies reviennent : un texte législatif, un acte réglementaire/administratif, ou une proclamation symbolique appuyée par la communication publique.
Objectifs et critères nationaux fréquents
- Mémoire (commémoration d’événements, personnalités, tragédies).
- Santé publique (prévention, dépistage, vaccination).
- Cohésion sociale et lutte contre les discriminations.
- Développement économique et promotion de secteurs (tourisme, agriculture, industrie culturelle).
- Éducation civique et valeurs républicaines/démocratiques.
Le rôle des ONG et des « journées non officielles »
Beaucoup de « journées » très visibles n’ont aucun statut étatique ou onusien (ex. « Journée mondiale du nettoyage », initiatives sectorielles, journées professionnelles). Leur force vient de la mobilisation, du marketing et des partenariats médias. Deux trajectoires existent :
- Rester non officielle mais utile en termes de sensibilisation, de collecte de fonds et de plaidoyer.
- Devenir officielle via un transfert vers l’ONU ou un État, en montrant impact, soutiens et complémentarité avec des objectifs publics.
Un levier clé est la preuve d’impact : participation internationale, engagement d’entreprises et d’autorités, résultats concrets (lois votées, budgets alloués, indicateurs améliorés).
Politique et diplomatie : les mots comptent
La désignation d’une journée est aussi une négociation de langage. Les termes choisis (définitions, références aux droits, populations nommées) peuvent faire l’objet de compromis ou de controverses. Certaines propositions échouent ou sont édulcorées pour passer. D’autres, sensibles (ex. santé sexuelle et reproductive), restent au niveau ONG faute de consensus intergouvernemental.
Certains sujets sont géopolitiquement chargés (mémoire de conflits, frontières, minorités). Une formulation perçue comme accusatoire peut bloquer; une approche axée sur la prévention, l’éducation ou la dignité peut rassembler.
Mesurer l’impact d’une journée officielle
- Attention médiatique : mentions presse, réseaux sociaux, recherche Google, portée des hashtags.
- Activation : nombre d’événements, pays participants, téléchargements d’outils, partenariats formalisés.
- Politiques publiques : annonces, nouvelles lois, plans et budgets; alignement sur les ODD.
- Résultats : évolution d’indicateurs (vaccination, mortalité routière, scolarisation, accès à l’eau).
- Pérennité : répétition annuelle, appropriation par acteurs locaux, intégration dans les calendriers institutionnels.
Critiques récurrentes : infobésité des journées, risque de communication « cosmétique », événementialisation sans suivi, et chevauchements thématiques. Les résolutions onusiennes précisent souvent l’absence d’incidence budgétaire pour limiter ces dérives.
Années, semaines, décennies : quand le temps s’allonge
Au-delà des journées, l’ONU proclame des semaines, années et décennies internationales. Objectif : ouvrir une fenêtre stratégique plus longue pour investir, expérimenter et réformer.
- Semaines : mobilisation concentrée (ex. Semaine mondiale de la vaccination par l’OMS).
- Années : thème focal avec une agence chef de file (ex. Année internationale des langues autochtones, pilotée par l’UNESCO).
- Décennies : agendas structurels (ex. Décennie d’action pour l’eau). Souvent assorties de feuilles de route et d’évaluations.
Dans les trois cas, un portage institutionnel clair et des indicateurs sont essentiels pour éviter le « bruit » sans transformation.
Vous voulez lancer « votre » journée ? Le plan d’action
1) Cadrer le besoin
- Quel problème spécifique n’est pas couvert par une observance existante ?
- Quel changement mesurable visez-vous (politique, comportemental, financier) ?
2) Construire la coalition
- Rassembler ONG, universitaires, organisations internationales et États champions de régions différentes.
- Identifier l’agence chef de file la plus pertinente (OMS, UNESCO, FAO, etc.).
3) Poser les fondations techniques
- Note conceptuelle, données, cartographie des doublons, théorie du changement.
- Choisir une date porteuse (événement historique, saisonnalité, fenêtre médiatique).
4) Prototyper l’observance
- Lancer une édition pilote non officielle avec identité visuelle, kit médias, engagements d’actions.
- Mesurer l’adoption et collecter des preuves d’impact.
5) Passer à l’officiel
- Travailler un projet de résolution avec les missions permanentes à l’ONU.
- Assurer le co-parrainage interrégional et la compatibilité budgétaire.
- Préparer le lancement global (événements, rapports, partenariats).
Comparatif rapide : internationale, nationale, « privée »
- Internationale (ONU) : portée universelle; forte légitimité; processus diplomatique plus long.
- Nationale : adaptation aux priorités locales; levier juridique/budgétaire; reconnaissance variable à l’international.
- Privée/ONG : vitesse et créativité; dépend de la communication et des partenariats; légitimité bâtie par l’impact.
Combien existe-t-il d’observances officielles ?
L’ONU répertorie plus d’une centaine de journées internationales, ainsi que des dizaines de semaines, années et décennies. Les calendriers nationaux ajoutent un grand nombre d’observances domestiques, sans compter les journées non officielles menées par des ONG et entreprises.
Ce qu’il faut retenir
- Une journée reconnue est un outil de politique publique, pas seulement un hashtag.
- La preuve d’impact et la coalition priment sur l’idée.
- Le langage et l’équilibre politique conditionnent l’adoption.
- Sans suivi ni ressources, la visibilité retombe; avec un plan, elle accélère des changements concrets.
FAQ
Qui peut proposer une journée internationale à l’ONU ?
Formellement, seuls les États membres peuvent déposer un projet de résolution à l’Assemblée générale. En pratique, les ONG, agences onusiennes et réseaux d’experts co-construisent l’argumentaire et soutiennent la campagne.
Combien y a-t-il de journées internationales officielles ?
Le calendrier onusien compte plus d’une centaine de journées internationales, en plus de semaines, années et décennies thématiques. Le nombre exact évolue au fil des nouvelles résolutions.
Une ONG peut-elle créer une journée reconnue par l’ONU ?
Oui, mais indirectement. Une ONG peut lancer une journée non officielle, démontrer l’impact et convaincre des États de porter une résolution à l’ONU. La Journée mondiale des toilettes en est un exemple.
Quelle différence entre proclamation et loi pour une journée nationale ?
Une loi ancre durablement la journée dans l’ordonnancement juridique et peut mobiliser des moyens. Une proclamation (présidentielle ou ministérielle) a surtout une portée symbolique et peut être renouvelée chaque année.
Ces journées coûtent-elles de l’argent à l’ONU ?
Les résolutions précisent souvent l’absence d’incidence budgétaire sur le budget régulier. Les activités reposent sur des ressources extrabudgétaires (contributions volontaires) et des partenariats.
Une journée peut-elle être modifiée ou supprimée ?
Oui, via une nouvelle résolution qui ajuste l’intitulé, la portée ou la date. Dans les faits, on modifie plus souvent le libellé que l’existence même de la journée.
Pourquoi certaines propositions n’aboutissent-elles pas ?
Doublon avec une observance existante, désaccords politiques, manque de co-parrainage interrégional, base de preuves insuffisante, ou coûts jugés trop élevés par rapport aux bénéfices attendus.

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